#14 Le traumatisme : tous concernés

#14 Le traumatisme : tous concernés

Le traumatisme : tous concernés

Aujourd’hui j’aimerais mettre en lumière le traumatisme. Le mettre en lumière car il est souvent refoulé, caché. Ce mot peut faire peur ou au contraire être galvaudé, utilisé à tort et à travers. Qu’est-ce que le trauma ? Comment nous impacte-il ? Qui est concerné ? Comment s’en sortir ? Ce sont tous ces aspects que je vais développer dans cet article.

Contrairement à ce que vous pourriez penser, le traumatisme ne le limite pas aux victimes de guerre, d’attentats ou de viols. Il existe beaucoup de traumatismes différents, avec une intensité variable. Mon but ici est de vous sensibiliser à la prédominance du traumatisme parmi les être humains, pour vous donner des clés de compréhension de vos comportements et de ceux d’autrui, et aussi vous donner l’élan de vouloir réparer ces vieilles blessures.

Tout d’abord je définirai la notion de traumatisme, en expliquant de manière simplifiée les mécanismes du trauma, et en donnant des exemples. Ensuite, je mettrai l’accent sur les conséquences délétères du trauma sur notre santé physique et psychique. Enfin j’aborderai la notion de « guérison » du trauma.

 

Qu’est-ce que le trauma ?

Je vais parler ici depuis le prisme du traumatisme psychique, et non de traumatisme corporel, lié à une atteinte corporelle : coups, accidents, opérations chirurgicales… Même si dans beaucoup de traumatismes psychiques, le corps est atteint (je pense notamment aux accidents graves, aux maltraitances physiques, aux violences sexuelles, aux faits de guerre).

Définitions

LE CNRTL nous donne plusieurs définitions pour les traumatismes psychique : « Violent choc émotionnel provoquant chez le sujet un ébranlement durable. » ; « Tout événement subit, brutal, entraînant pour le sujet qui en est victime des transformations plus ou moins profondes, plus ou moins réversibles. »

Le DSM V ( Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques) distingue 4 types de traumatismes :

  • Traumatisme de type I : événement unique, avec un début et une fin (limité dans le temps).

Exemples : agression, accident, catastrophe naturelle

  • Traumatisme de type II : situation répétée ou présente constamment ou menaçant de de se reproduire

Exemples : violences intrafamiliales, faits de guerre

  • Traumatisme de type III : événements multiples, envahissants, violents, sur une longue période de temps (identique au type II avec une intensité supérieure)

Exemples : camps de concentration, abus sexuels intrafamiliaux, tortures, exploitation sexuelle

  • Traumatisme de type IV : traumatisme toujours présent

Exemples : enfants maltraités, femmes battues

Le traumatisme peut être :

  • direct : la personne le vit
  • indirect : la personne est en contact avec la personne ayant vécu le traumatisme

Par exemple, il est fréquent de trouver dans les thérapies transgénérationnelles, comme les constellations familiales et systémiques, que les enfants portent des traumatismes de leur parents (en ayant des symptômes associés).

L’état de stress post traumatique (ESPT) quant à lui est « un ensemble de symptômes qui se développent lorsqu’une personne a été exposée à un événement traumatisant générateur d’une détresse importante et soudaine » nous explique le Vidal. Il peut s’installer après la période de stress aigu qui elle se résorbe dans le mois après l’événement. Ses manifestations sont en général la reviviscence de l’événement (souvenirs, rêves, flashbacks), assortie d’une certaine anesthésie émotionnelle, ou d’un détachement, voire d’une froideur, éventuellement accompagnes par d’autres symptômes (troubles du sommeil, difficultés de concentration, crises d’anxiété, troubles de l’humeur…)

Il est important de signaler qu’un fait peut être potentiellement traumatique, mais vécu de manière non traumatique. C’est notamment le cas lorsque la personne a pu réagir, se mettre en action. Ainsi Peter Levine parle d’enfants kidnappés en 1976 (tout une classe) et coincés dans une galerie sous-terraine. L’enfant qui s’est mis en action pour sortir de là (et ses camarades avec lui) n’a pas été traumatisé par l’événement (pas autant que les autres en tout cas). 

Ce qui va vraiment caractériser le traumatisme va être le figement, l’état de paralysie dans lequel vont se trouver les victimes.

 

Mécanismes du traumatisme (simplifié)

Comment ça se passe dans le cerveau et le corps lors d’un traumatisme ?

L’événement traumatique a une telle intensité qu’il provoque une saturation émotionnelle. Ainsi, le cortisol et l’adrénaline sont sécrétés à haut niveau, ce qui peut mettre en danger le cœur, les vaisseaux et le cerveau. Alors, dans un mécanisme de survie, l’amygdale « court-circuite »Les informations ne vont alors plus au cortex : la mémoire autobiographique ne peut s’inscrire. C’est ce mécanisme qui explique l’amnésie traumatique : le trauma est enfoui, il n’y a pas de souvenir. 

Cette coupure de l’amygdale crée un phénomène dissociatif. Les émotions, et même les sensations, sont coupées, jusqu’à une dissociation (voire une décorporation dans certains cas).  Le corps est figé, paralysé. L’énergie de survie (de combat ou de fuite) n’est pas utilisée et reste bloquée à l’intérieur. Cet état dissociatif anesthésie le corps et protège l’individu.

Peter Levine prend l’exemple de l’impala, qui peut tomber comme raide mort, figé, lors d’une attaque de guépard. Si ce dernier, pour une raison quelconque, choisit une autre proie, l’impala va se relever et s’ébrouer, relâcher la tension, l’énergie de fuite qui n’a pas été utilisée. L’humain n’a visiblement pas gardé cet instinct et ne s’ébroue pas suite à un traumatisme. Son organisme garde alors cette énergie à l’intérieur, ce qui provoque un certain nombre de symptômes. Le corps va alors chercher par tous les moyens à résoudre ce traumatisme. C’est-à-dire à libérer l’énergie bloquée. Le problème est que pour se faire, il cherche à recréer les conditions du trauma.

Nous avons tous vécu des traumatismes (exemples de traumatismes)

Nous avons tous vécu des traumatismes, mais pas forcément de la même ampleur chez chacun :

  • Accident : voiture, train, industriel…du plus mineur comme un accrochage au plus sévère avec diagnostic vital engagé
  • Chute, blessure
  • Acte médical invasif (anesthésie, opérations…)
  • Agression (vol, coups, menace physique…)
  • Tentative d’IVG
  • Naissance et accouchement (pour l’enfant et/ou la mère)
  • Rester seul (bébé ou enfant)
  • Immobilisation prolongée
  • Maladie (fièvre très forte, empoisonnement, invalidante…)
  • Maltraitances physiques et/ou psychiques
  • Humiliation
  • Deuil
  • Témoin d’une scène de violence ou d’une scène sexuelle
  • Faits de guerre (attentats, séquestration…)
  • Catastrophe naturelle (séisme, tempête majeure…)
  • Abus et violences sexuels
  • Emprise psychique

La cruelle réalité des traumatismes sexuels

Depuis quelques années, on entend beaucoup plus parler des traumatismes sexuels dans la sphère médiatique : #metoo, #metooinceste, parution de romans ou écrits médiatisés (« La familia Grande » de Camille Kouchner). C’est signe pour moi que les temps changent et que la société commence à pouvoir aborder ces questions. Cela reste néanmoins timide. Le déni sociétal reste énorme. Je comprends : il est difficile de parler de ces choses horribles, de les regarder en face, encore plus quand elles se passent chez nous, dans nos maisons. Et au vu des chiffres, nous connaissons tous des victimes, qui sont d’abord des enfants (plus de 80% des victimes ont subi des violences sexuelles avant 18 ans).

1 sur 5 

C’est le nombre d’enfants victimes de violences sexuelles en Europe.

En moyenne, 2 à 3 enfants par classe sont victimes d’incestes même (estimation France). Dans le monde, les chiffres OMS de 2014 font état d’une fille sur cinq et d’un garçon sur 13 ayant subis des agressions sexuelles et des viols.

Environ 95% des violences sexuelles faites aux enfants sont faites par un proche et un homme (qui est un membre de la famille dans la moitié des cas).

Tous ces chiffres non estimés sont très certainement minimisés en raison de l’amnésie traumatique (40% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance et jusqu’à 54% pour les victimes âgées de moins de 10 ans), et de la culture du viol (invisibilisation ou minimisation des violences et loi du silence).

 

Pourquoi est-ce important d’aller résoudre ses traumas ?

Si vous allez bien, pas de souci, vous pouvez vous épargner la visite dans ces territoires peu agréables. Cela peut être le cas lors de traumatismes « légers ».

Le problème est que les traumatismes peuvent conduire à de multiples troubles plus ou moins gênants. C’est souvent pour cela que la personne vient consulter un professionnel. Ces symptômes ne sont pas réellement causés par l’événement en lui-même mais plutôt par la charge énergétique non résolue du traumatisme.

Conséquences sur la santé physique

Voici une liste non exhaustive des troubles physiques fréquents découlant des traumas : 

  • Douleurs chroniques
  • Fatigue chronique
  • Troubles alimentaires (anorexie, boulimie)
  • Fibromyalgie
  • Pathologies de l’appareil uro-génital
  • Dysfonctionnements thyroïdiens
  • Troubles gastro-intestinaux (dont côlon irritable)
  • Cancers
  • Migraines
  • Affections dermatologiques
  • Asthme
  • Maladies auto-immunes
  • Syndrome prémenstruel sévère
  • Endométriose
  • Inflammations (maladie en -ite)
  • Altérations épigénétiques (transmissibles à la descendance)

Conséquences sur la santé mentale

Voici une liste non exhaustive des troubles psychiques fréquents découlant des traumas : 

  • Stress
  • Anxiété
  • Dépressions
  • Idées suicidaires et tentatives de suicides (1 victime sur 2 en cas d’agression dans l’enfance)
  • Troubles du sommeil, insomnies, terreurs nocturnes
  • Phobies
  • Hypervigilance
  • Hypersensibilité, en particulier à la lumière et au son
  • Perte d’estime de soi
  • TOCS
  • Attaques de panique
  • Dissociation 
  • Addictions et comportements addictifs : tendance à revenir dans un état dissociatif (alcool, autres drogues… toute forme d’addictions y compris au travail, transes)
  • Conduites à risques
  • Comportements destructeurs
  • Conduites agressives
  • Hyperactivité
  • Réactions émotionnelles exagérées ou au contraire absence de réactions émotionnelles
  • Oublis, amnésie, absences 
  • Difficultés à créer du lien
  • Sexualité débordante ou quasi absente

Evidemment, ces symptômes sont nombreux et variés : ce n’est pas parce que vous présentez un symptôme qu’il faut vous inquiéter. En revanche, la combinaison de plusieurs symptômes associés à une augmentation de l’intensité peut vous alerter.

La reproduction du traumatisme

Outre ces symptômes, j’ai expliqué que la personne victime va inconsciemment chercher à résoudre le problème en recréant des conditions analogues. C’est ce qui explique notamment que les victimes sont plus susceptibles d’être de nouveau victimes. 

D’où parfois l’urgence à aller visiter son passé.

 

Comment prendre soin des traumas ?

Le traumatisme est une des problématiques qui requiert de mon point de vue l’accompagnement d’un professionnel. Beaucoup de pratiques peuvent accompagner les personnes dans la résolution de leurs traumatismes.

Il fait beaucoup pour le monde celui qui panse ses propres plaies et pacifie son histoire

Christiane Singer

Quels sont les éléments importants à prendre en compte pour traiter les traumatismes ?

Se sentir en toute sécurité

Il est indispensable de se sentir en sécurité avec son thérapeute. Et de se sentir en sécurité lors des séances traitant le traumatisme.

Traiter la mémoire traumatique

Le passé doit être revisité de manière à intégrer la mémoire traumatique en mémoire autobiographique (et ce, en toute sécurité, pour ne pas retraumatiser). 

Décharger l’énergie bloquée

Le corps doit libérer la charge bloquée lors du traumatisme pour revenir à l’équilibre. Cela peut se manifester notamment par des tremblements. La réponse de combat ou de fuite doit se libérer du corps.

Donner du sens au vécu

Faire des liens entre l’événement traumatique vécu et les conséquences dans sa vie permet de comprendre ce qui s’est joué. Redonner la responsabilité des faits à l’agresseur le cas échéant, pour sortir de la culpabilisation et de la honte, est majeur. 

Une approche intégrative est ainsi souvent conseillée. De plus, certaines thérapies, même psychocorporelles, gagneront souvent à être complétées par des pratiques corporelles.

Quelques thérapies pour traiter les traumatismes

Avant de donner ces informations, je souhaite préciser que je ne sui pas une spécialiste de toutes les techniques que je vais nommer. Je vais ainsi parler à partir de ce que je sais. Si des spécialistes souhaitent me corriger je serai ravie d’intégrer leurs corrections.

En cas de traumatismes connus, notamment avec des reviviscences ou des images persistantes, les outils thérapeutiques suivants peuvent être pratiqués : EFT (Emotionnal Freedom Technique), CLEEN (Coaching de Libération de Empreintes Emotionnelles Négatives), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing).

D’autres approches psychothérapeutiques semblent bénéfiques pour le traitement des traumatismes : la Somatic experiencing, la théorie polyvagale, l’ICV (intégration du Cycle de la Vie), la Sophro-Analyse, l’IFS (Internal Family System).

La Sophro-Analyse est une pratique qui permet aux traumatismes d’émerger, y compris s’ils ne sont pas connus. En effet, en travaillant avec l’âme, avec la Conscience qui a tout enregistré, je ne travaille pas avec la mémoire autobiographique. C’est cette particularité qui fait que les traumas se montrent assez rapidement dans cette approche. La Sophro-Analyse est une thérapie intégrative qui permet de travailler en sécurité, de réassocier les morceaux du puzzle du trauma pour refaire une histoire autobiographique, sans oublier de libérer l’énergie bloquée lors du trauma.

Quelques outils corporels pour désengrammer le corps des traumatismes 

Dans beaucoup de cas, en plus du travail de type psychothérapeutique, un travail corporel est nécessaire. Voici quelques outils qui peuvent être envisagés (toujours avec un thérapeute avec lequel vous vous sentez en plein sécurité) :

  • trame
  • ostéopathie spécifique pour les traumas (crânienne en particulier)
  • massage thérapeutique
  • méthode de libération par les cuirasses
  • rolfing

Conclusion

Le plus important est de choisir une thérapie et surtout une thérapeute avec laquelle vous vous sentez en sécurité. L’implication du corps est grandement conseillée, le traumatisme marquant notre corps et nos cellules.

Si vous souhaitez libérer votre histoire des traumatismes vécus, vous pouvez aller voir l’accompagnement que je propose ici. 

Ressources complémentaires :

La sophro-analyse des mémoires prénatales, de la naissance et de l’enfance – Votre Âme aux commandes de Christine Louveau, publié en 2017 aux éditions Grancher

Réveiller le tigre de Peter Levine ; sa thérapie la Somatic experiencing

Muriel Salmona

Le livre noir des violences sexuelles, Dunod

Explication plus détaillée des mécanismes du traumatisme : https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2021_violences_sexuelles_un_psychotraumatisme_majeur.pdf

Gabor Maté : https://thewisdomoftrauma.com/fr/

Bruno Clavier

Ces enfants qui veulent guérir leurs parents  : exemple d’amnésie traumatique massive révélée par une enquête (p 48)

L’inceste ne fait pas de bruit

Un dialogue Fabrice Midal avec Isabelle et Filliozat et Margo Fried Filliozat, sur la sensibilisation des enfants aux sujet des violences, avec l’objet d’apprendre à l’enfant le consentement en partant de leur vie quotidienne : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=YXq7YjSzMdg


Sources des chiffres

https://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2015-campagne-stop-au-deni.htmlhttps://www.memoiretraumatique.org/campagnes-et-colloques/2020-stop-prescription-2020.html

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/2018_Etat_des_lieux_des_mineurs_victimes_de_violences_sexuelles.pdfhttps://www.1sur5.org/

Pour aller plus loin

Livre « La culture de l’inceste », ouvrage collectif sous la direction de Iris Brey et Juliet Drouar, Seuil : donne une analyse sociétale, culturelle de l’inceste.

 

Ça vous a plu ? Inscrivez-vous à ma newsletter pour être tenu au courant des prochains articles !