#7 Quand je me plante, je pousse

#7 Quand je me plante, je pousse

Quand je me plante, je pousse (ou comment redonner une juste place à l’échec)

Qui n’a pas déjà entendu cette maxime ? Je l’aime beaucoup car elle est très imagée et si juste. En France la notion d’échec est difficile, presque tabou. Dans cet article, j’explore ce qu’est l’échec, dans notre contexte français. Ensuite je vous invite à redonner une place à l’échec, en explicitant les raisons. Enfin, je vous donne les clés pour tirer meilleur parti de l’échec.

C’est quoi l’échec ?

Définition 

Comme d’habitude, j’aime bien commencer par la définition et l’étymologie. Sur le Larousse, on peut voir que l’échec est le « résultat négatif d’une tentative, d’une entreprise, manque de réussite ; défaite, insuccès, revers ». C’est presque pire sur le CNRTL où l’échec à propos d’une activité humaine est le « résultat négatif, et généralement d’une certaine gravité, d’une entreprise ». Autrement dit, par définition l’échec est négatif. Ce qui est intéressant tout de même est que l’origine du mot vient du jeu des échecs.

Et dans notre société, quelle est la place de l’échec ?

L’échec pointé du doigt dès l’école

Dans le système scolaire français, l’échec est omniprésent, et vous en avez certainement fait chacune l’expérience. 

Personnellement, j’ai réalisé tout mon parcours scolaire en France, donc pour moi il était normal que l’échec soit horrible. La moindre mauvaise note était une honte. J’ai ensuite eu la chance d’être teaching assistant dans une université américaine pendant 1 semestre (c’est un peu l’équivalent de chargée de TD ou TP). J’avais des piles énormes de copies à corriger. Et la façon de noter m’avais déstabilisée. Elle était plutôt encourageante. C’est-à-dire que même pour des copies que je considérais nulles, la note était au-dessus de la moyenne. Le système était positif : tu fais un truc, tu marques des points. En France, à mon époque, c’était plutôt : tu perds des points à chaque erreur. Bref, je ne peux pas dire si ce système de notation était propre au professeur pour lequel je travaillais ou généralisé (je pencherais vers ce point), mais j’en avais finalement tiré la conclusion que c’était sûrement pour cela, entre autres, que les américains étaient beaucoup plus entreprenants que les français.

Par la suite, j’ai été très marquée par une vidéo Tedx Lyon de Claire Blondel sur le droit de se tromper. D’ailleurs en revisualisant cette vidéo pour écrire cet article, je me suis rendue compte qu’elle démarre sur une étude qui justement pointe la peur de l’échec en France comme frein principal à l’entreprenariat. Une mère raconte son expérience avec ses filles d’éducation scolaire en Asie, et le retour en France. Elle explique à quel point cette interdiction de se tromper dans le système français a des conséquences néfastes : intolérance, mauvaise estime de soi, manque d’autonomie face à l’erreur et manque de persévérance. Je me souviens d’un autre témoignage dont je n’ai pas retrouvé la source où en Australie c’était « amazing » de colorier à côté (créativité, unicité), et en France, une catastrophe qui méritait presque un rendez-vous avec les parents.

En plus de ce système éducatif, les parents et la société mettent souvent une grande pression sur les enfants et les adolescents à propos de la réussite scolaire. Si vous avez des enfants, vous avez dû remarquer qu’après « elle est sage ? » quand ils sont petits, succède la question rituelle « elle réussit à l’école ? » ou équivalent. Comme si la seule chose qui comptait était la réussite scolaire, et non un épanouissement global de l’enfant. Comme si la réussite scolaire conditionnait le bonheur.

Dans les écoles aujourd’hui il y a un peu moins de notes. C’est un peu mieux certainement, mais ne règle pas le problème de fond. La pression de l’échec commence à l’école…

L’échec dans l’entreprise

…Et continue bien sûr dans la vie professionnelle. Ce qui compte n’est pas de faire un métier qui fait sens pour nous, qui est utile à la société… Non. Ce qui compte c’est réussir. Selon les secteurs, c’est variable, mais globalement réussir, c’est gagner un bon salaire, avoir un bon chiffre d’affaires. Pour les cadres, c’est aussi manager une équipe. Ah, la pression du management d’équipe ! Si tu as 30 ans et que tu n’as pas une équipe, tu es en échec. On n’est pas loin de la rolex a 40 ans comme marqueur de réussite de vie… Si vous avez travaillé en entreprise vous avez dû voir les dégâts que cela génère avec des personnes pas du tout faites pour le management et qui peuvent même devenir des chefaillons insupportables, voire harcelants.

On pourrait croire que ça s’arrête à la vie professionnelle… Pourtant l’injonction à réussir sa retraite est également très présente.

L’échec dans la vie affective

Ce n’est pas mieux dans la sphère privée. Vers la quarantaine si tu n’es pas en couple ou n’a pas d’enfant… c’est la même punition : considérée comme en échec. Et pour la femme la pression est encore plus marquée, puisque biologiquement c’est plus compliqué d’avoir des enfants l’âge avançant, voire impossible après un certain âge ; ce qui n’est bien sûr pas le cas des hommes. Avec le nombre croissant de divorces ou séparations, il est vrai que la société change de regard par rapport à l’échec du couple. Mais l’attente au bout d’un moment est bien d’être en couple ! Et par rapport au fait de ne pas avoir d’enfants, j’ai l’impression que même avec la tendance de fond de certaines personnes à affirmer leur non désir d’enfant, la pression sociétale et familiale reste forte.

Pourquoi l’échec est important ?

Si on réfléchit 2 minutes, il est surprenant que l’échec soit si mal considéré en France. L’échec fait partie du processus même de la vie.

Apprentissage

Notre cerveau fonctionne comme ça. Essais, erreurs, corrections. Il suffit de regarder les jeunes mammifères : nos enfants qui tombent et de relèvent 100 fois, des enfants qui font des puzzles ou construisent des maisons en kapla … les exemples sont infinis. Pour apprendre, ou pour passer du savoir (théorique) à la connaissance (expériencielle), il est nécessaire d’expérimenter !

Réalisation

De même, l’échec est inhérent à un processus de réalisation, quel qu’il soit, qu’il s’agisse de fabriquer un gâteau, décrire une chanson ou de développer une ligne de production industrielle. Il apparaît d’ailleurs dans les process qualité des entreprises, dans les process d’amélioration continue.

Introspection

Un échec va nous permettre d’avoir un temps d’introspection. Ce temps nécessaire pour digérer, accepter l’expérience vécue. Ce temps nécessaire pour en tirer les enseignements. Profitons de ce temps d’introspection, saisissons-nous-en ! Il ne s’agit pas de se lancer directement dans une nouvelle aventure ! Cette pause nous donnera l’occasion de sentir si nous devons persévérer dans une voie, ou au contraire en changer. Elle pourra également nous permettre de créer, de réinventer des chemins. Je crois que tous les créateurs (artistiques, scientifiques etc.) ont expérimenté cet espace de vide nécessaire à la création.

Humilité

Une succession de succès pourrait si facilement nous rendre arrogant, présomptueux. Un avantage indéniable de l’échec est qu’il nous rend humble.

Se mettre en action

Enfin, en redonnant une place à l’échec, nous pouvons nous mettre en action. En effet, le risque majeur de la peur de l’échec… c’est de ne rien faire. De ne pas passer à l’action. Serait-ce pour cela que nous sommes tant à procrastiner ? Cela fait certainement partie des raisons.

J’ai détaillé le passage à l’action dans l’article Procrastination : comment en sortir et passer à l’action en 11 idées.

Tous ces éléments nous invitent à dépasser la peur de l’échec pour passer à la culture de l’erreur, ou culture du rebond.

« La chute n’est pas un échec, l’échec c’est de rester là où l’on est tombé ! »
Socrate

Comment surmonter l’échec  

Si vous venez de vivre un échec, ou qu’il y a un vieil échec qui vous plombe encore, voici des pistes pour les surmonter.

1. Acceptation de l’échec et de ses conséquences

Vider son sac

La première chose à faire quand vous vous sentez encore impactée par un échec, qu’il soit récent ou ancien, c’est de vider votre sac. Soyez à l’écoute des émotions en vous. Et exprimez-les. A votre choix : à l’écrit pour vous (feuille, journal) ou adressé à un proche (email, lettre) ; à l’oral : verbaliser à voix haute pour sortir de vous, seul ou à quelqu’un (un conjoint, un ami, un thérapeute).

Prendre du recul 

Littéralement

Profiter de l’échec pour prendre le temps de l’introspection. Un temps en soi, pour soi. Non seulement cela crée une distance avec cet événement d’échec, mais permet également de se poser pour analyser, tirer des enseignements. Choisir consciemment la suite : persévérer ou changer de voie ou d’angle.

Imaginairement

Pour prendre du recul, vous pouvez imaginer être un extra-terrestre très bienveillant qui vous observe. Qu’est-ce qu’il se dirait de ce que vous vivez ? Quel conseil pourrait-il vous donner ?

Se rappeler les bénéfices ou au moins les conséquences non graves des échecs passés

Pour dédramatiser, il est utile de se rappeler que des précédents échecs n’ont pas provoqué l’apocalypse dans votre vie, voire ont eu des conséquences positives, et même que des grandes découvertes sont faites grâce aux échecs.

Dans sa propre vie

Etudes ratées mais qui nous ont conduit dans une métier passion.  Echec amoureux qui nous a permis d’être libre pour réaliser un voyage longtemps différé. Train manqué qui nous fait rencontrer notre futur conjoint. Dossier refusé pour l’achat d’un appartement qui nous a poussé à changer nos critères pour trouver un meilleur nid… Faites le tour de votre vie, je suis sûre que les exemples ne manquent pas !

Dans l’histoire

L’Histoire est émaillée d’exemples « d’échecs » qui ont conduit à de grandes réussites. Les sportifs de haut niveau en font régulièrement état. De grands « success men » en parlent maintenant assez librement, comme Steve Jobs à une époque. L’anecdote que j’aime citer est celle de Thomas Edison, inventeur prolixe, et de la lampe à filaments. Plus de 1000 « échecs » avant de faire fonctionner une ampoule ! ça permet de relativiser un échec !

L’idée en ayant vidé votre sac et pris du recul, c’est d’accepter l’échec vécu, d’en faire le deuil. Ensuite, il va être temps de se remplir. Vous pourrez même commencer à voir des aspects positifs que vous a apporté cet échec.

2. Analyser l’échec et en tirer les enseignements

Une fois que vous vous êtes occupé du cerveau émotionnel, limbique il est bon d’utiliser le cortex.

Remettre de l’objectivité

Dans un premier temps, il est utile de mettre ou remettre un peu d’objectivité. Cela poursuit le travail de mise à distance d’ailleurs. Quels sont vos critères de réussites par rapport à l’objectif fixé ? L’échec est-il total, partiel ? Cela évite de courir après une réussite inatteignable car avec des critères inhumains. Cela permet également de relativiser la dimension de l’échec : il y a des points réussis par exemple.

Analyser l’échec

Ne pas refaire les mêmes erreurs demande d’avoir vu ses erreurs. Toujours avec le cortex, 3 dimensions sont ainsi intéressantes à explorer : vouloir, pouvoir, avoir.

Vouloir questionne votre envie. Avais-je vraiment la motivation ? Cela permet de questionner la voie choisie, qui n’est peut-être pas celle que vous voulez vraiment.

Pouvoir questionne nos aptitudes. Avais-je les capacités pour réussir ? Cela permet de nous fixer des objectifs atteignables en fonction de nos capacités. Ou d’améliorer nos capacités actuelles, d’en apprendre de nouvelles, pour atteindre un objectif.

Avoir questionne les ressources à notre disposition. Ai-je disposé des moyens nécessaires ? Cela permet de corriger pour une prochaine fois : soit de faire en sorte de disposer des moyens, soit de revoir l’objectif.

Cette analyse peut permettre de repérer des stratégies d’auto-sabotage. Par exemple repérer que systématiquement vous avez choisi des cibles que vous n’étiez pas en capacité d’atteindre, donc de vous mettre en échec systématiquement (et de plomber ainsi l’estime de soi). Repérer ces stratégies puissantes, inconscientes, est le premier pas pour y mettre fin. Les résoudre complètement peut demander un travail thérapeutique.

Tirer les enseignements et les appliquer

L’analyse précédente pointe les erreurs à ne pas répéter, les actions à corriger. L’échec s’est probablement produit en raison de multiples facteurs, dont certains hors de notre contrôle. Inutile de blâmer le sort pour ces derniers. L’intéressant est de prendre sa part de responsabilité, de voir ce qu’il est possible de faire différemment la prochaine fois.

« Dans chaque épreuve, ne cherchez pas l’ennemi, cherchez l’enseignement. »
Mikao Usui – fondateur du Reiki

Tirer les enseignements, ce n’est pas seulement voir que vous allez faire différemment, c’est aussi prendre conscience de ce que l’épreuve nous a apporté, ce qu’elle nous a permis d’apprendre. Ainsi les aspects positifs de l’échec sont mis en lumière.

Appliquer les enseignements est loin d’être aisé. C’est particulièrement difficile dans les « soft skills » (les compétences de savoir-être). Honnêtement, il faut un peu d’entrainement et de formation pour mieux communiquer, pax exemple. Mais peut-être aura-t-on appris au moins à faire preuve de plus de tact par exemple ?

Quand l’échec concerne ses enfants

Ce point mériterait un article entier. 

Il est souvent beaucoup plus facile de faire face à ses propres échecs qu’à ceux de ses enfants. Les mêmes étapes précédemment décrites peuvent s’appliquer pour l’accompagner face à cet échec.

Pour vous, vous pouvez ajouter :

Prendre du recul

Par exemple, pour prendre du recul concernant la réussite scolaire : regarder autour de vous le fait que cette réussite ne conditionne pas le bonheur dans la vie, ou encore que l’immense majorité des métiers de demain n’existe pas encore aujourd’hui dans notre monde à la mutation rapide.

Votre enfant grandit grâce à ces expériences, même douloureuses, d’échec.

Être un soutien pour son enfant

En cas d’échec, vous pouvez être un soutien pour votre enfant, comme vous l’êtes sûrement pour votre meilleure amie. Franchement que celle qui n’a jamais dit je te l’avais bien dit ou je t’avais prévenu à son enfant lève le doigt. Le dites-vous à votre amie ? ou autant ? (J’en doute.) Pensez long terme : une meilleure estime de soi servira plus votre enfant dans la vie que des remontrances sur ses notes.

Reste à trouver le juste équilibre pour encourager, donner le sens de l’effort, de la pratique, sans dégoûter, bloquer ou dévaloriser votre enfant. Tout un programme ! Mais je vous rassure : c’est en faisant des échecs que l’on apprend, y compris dans la parentalité.

La clé pour intégrer l’échec et en profiter est bien de regarder en face notre responsabilité. Ce n’est certes pas le plus aisé, mais certainement le plus salvateur.

Finalement il n’y a pas d’échec, que des expériences.

Si vous avez remarqué que vous vivez des échecs répétés dans une certaines situations (exemple : je n’ai jamais de promotion, je n’arrive pas à rester en couple etc.) n’hésitez pas à regarder mon accompagnement qui est très approprié pour les schémas répétitifs.

Résumé

L’échec est fréquemment pointé du doigt depuis l’école et jusque dans la vie affective, et mal perçu en France.

Il est pourtant inhérent à la vie, et apporte des bienfaits : apprentissage, introspection, humilité, action.

Pour surmonter l’échec, il est nécessaire de l’accepter, de relativiser sa portée en prenant du recul, puis de l’analyser pour en tirer des enseignements pour les appliquer.

Et finalement, percevoir le positif de l’expérience.

Si vous voulez recevoir votre fiche récapitulative comment surmonter vos échecs, il suffit de le demander ici.

Ressources complémentaires :

Les vertus de l’échec de Charles Pépin (je ne l’ai pas lu, mais les extraits sur lesquels je suis tombée m’ont semblé pertinents)

Vidéo Tedx Lyon de Claire Blondel sur l’éducation positive (l’éducation française et l’échec)


L’épisode 30 du podcast la force de la non-violence, que j’ai écouté après avoir écrit l’article, et dans le quel Marc Vella parle des fausses notes, de les accueillir et les harmoniser… cela m’a tellement fait penser au fait de transmuter les soi-disant échecs que je vous le partage !

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