#3 Comment faire un deuil ?

#3 Comment faire un deuil ?

Comment faire un deuil ?

Aujourd’hui c’est la Toussaint et je suis très certainement inspirée par cette fête pour écrire sur le deuil. C’est très étrange cette expression :  «Faire son deuil », comme s’il fallait être dans l’action, comme si cela pouvait être de notre faute, du coup, de ne pas l’avoir fait… Il s’agit plutôt pour moi d’une traversée. J’ai lu quelques ouvrages d’Elisabeth Kübler-Ross, qui est considérée comme une experte et qui a décrit les fameuses cinq étapes du deuil que je vais essayer de vous définir ci-après, avec des clés pour pouvoir « faire son deuil ». Ce sera un résumé, ce sera avec mes mots… en les mêlant à mon expérience propre. J’espère que mes écrits ne trahiront pas sa pensée.

Déni, Colère, Marchandage, Dépression, Acceptation : les 5 étapes du deuil 

Tout d’abord il faut bien entendre que ces cinq étapes vont être rencontrées et par la personne qui va mourir (bien sûr si elle en a le temps) et par ses proches. Il ne s’agit pas d’étapes se déroulant de façon linéaire, dans un ordre précis. Elles ne sont d’ailleurs même  pas obligatoires. Il est possible de passer par une phase, puis y revenir plus tard. Tout cela est très souple. Nous sommes chacun unique, évidemment, avec notre histoire et nos croyances par rapport à la mort, qui influent ce que l’on vit. Dans ce qui suit, je parle des phases du deuil du point de vue de celui qui fait le deuil, et non de la personne qui va mourir. Car avoir la connaissance de ses phases peut nous aider à traverser notre deuil.

Le déni

Une des premières réactions possibles est de refuser si fort le deuil que nous en venons à le nier. Mais attention, il ne s’agit pas ici nécessairement d’un mécanisme de déni avec refoulement comme observé dans le cas de traumatismes par exemple. Ce n’est pas une négation pure de la réalité. C’est plutôt que nous n’arrivons pas à le croire. Au quotidien, nous avons l’impression que l’autre va rentrer, nous appeler… que nous aurons une interaction quelconque avec lui. Cette phase de déni, qui est un mécanisme de protection psychique, est comme une phase tampon, qui nous aide à appréhender la réalité de la perte, petit à petit.

Tu n’es plus là où tu étais,
mais tu es partout
là où je suis.
Victor Hugo

La colère

Quand la réalité de la perte est bien présente, les émotions peuvent surgir. La colère est l’une d’entre elles, et elle est fréquente car elle a beaucoup de cibles. Nous pouvons être en colère contre le corps médical qui n’a pas suffisamment bien soigné l’être aimé, contre le défunt qui nous a abandonné, contre nous-même pour ne s’être pas assez occupé de lui ou l’avoir quitté fâché, contre le Divin même qui a l’emporté trop tôt (Dieu, l’Univers ou quelque soit le nom donné à une forme de transcendance), contre nos amis qui nous délaissent dans notre deuil …

Il est primordial de vivre cette émotion à fond, de la crier, de la frapper, de la pleurer. En somme de l’extérioriser, physiquement. L’aide d’un thérapeute peut alors se révéler indispensable, cette émotion étant parfois difficile à écouter pour notre entourage. Il est d’autant plus important de lâcher cette colère que cette émotion est dite une émotion racket : elle dissimile au fond d’autres émotions qu’il sera bon de libérer également : culpabilité, tristesse etc.

 

Le marchandage

Le marchandage ce sont toutes les prières, les souhaits que nous émettons par rapport au deuil, parfois contre des promesses de comportement. Il peut se passer avant le deuil, après le deuil, en revisitant le passé, ou au contraire en prévoyant le futur. Avant le deuil, nous allons marchander pour que la personne ne meure pas, ou bien si le décès est proche, qu’elle souffre le moins possible. Après le deuil, ce sont tous les « Si seulement… », et la culpabilité qui va de pair, qui viennent nous ronger. Décliné au futur, ce sont aussi être les marchandages pour éloigner le mauvais sort des vivants. Cette étape, comme celle du déni, est une phase de tampon, qui permet de tenir à distance la douleur temporairement, de ne pas y plonger complètement.

La dépression

Dans cette phase, au contraire, on est plongé, immergé même dans la douleur. Un vide abyssal peut nous habiter. Nous n’avons plus d’envies. Tout semble vain. La moindre action quotidienne semble au-dessus de nos forces. Cette phase, pourtant tout à fait normale, est très difficile à vivre dans notre société qui la tolère mal (France, championne des anti-dépresseurs), au milieu de nos proches qui voudraient que cette étape passe beaucoup plus vite. Encore une fois, l’écoute bienveillante d’un thérapeute peut être une aide précieuse. Il est nécessaire d’accueillir cette dépression. Laissons-nous submerger par la douleur ! Laissons-nous pleurer ! (C’est d’autant plus nécessaire que nous savons désormais que nous déchargeons des toxines par les larmes, et que nous libérons des hormones calmantes en pleurant). Nous avons le droit de ne pas être forts ; nous avons le droit de montrer que nous sommes tristes. Nous avons le droit de ne pas chercher de la distraction pour s’empêcher de ressentir de la peine ; et puis nous avons aussi le droit d’aller chercher de la distraction si de temps en temps cette peine est trop lourde. 

L’acceptation 

Toutes ces étapes nous mènent à l’acceptation. Pas la consolation. Juste l’acceptation de la réalité que l’autre n’est plus là physiquement. Et, petit à petit, nous reprenons goût à la vie. Nous nouons une autre relation avec le défunt. Nous grandissons, souvent.

La mort tombe dans la vie comme une pierre dans un étang : d’abord, éclaboussures, affolements dans les buissons, battements d’ailes et fuites en tout sens. Ensuite, grands cercles sur l’eau, de plus en plus larges. Enfin le calme à nouveau, mais pas du tout le même silence qu’auparavant, un silence, comment dire : assourdissant.
Christian Bobin

 

D’autres aspects du deuil

Deuil symbolique

Toutes ces étapes sont également de mise lorsqu’il s’agit non pas d’un deuil réel, d’une personne, mais d’un deuil symbolique : par exemple la fin d’un projet ou une séparation amoureuse.

Culpabilité

La culpabilité est très présente lors de la mort d’un proche. La plus fréquente, c’est celle où nous nous reprochons nos actions, ou notre manque d’actions. C’est celle qui est en filigrane derrière la colère contre nous-même, ou dans les marchandages que nous faisons. En espérant que cela aurait pu le sauver : « j’aurai dû voir qu’il allait mal, l’emmener chez le médecin… » En espérant au moins que nous aurions pu partir en paix : «Je n’aurai jamais dû lui dire cela, j’aurai dû parler avec lui… » Mais il y a aussi une autre culpabilité, dont il est certainement plus difficile de parler : c’est la culpabilité que nous pouvons éprouver si nous nous sentons soulagée quand la personne décède, après une longue maladie par exemple. Bien sûr, le soulagement peut être ténu, et la peine est bien présente. Néanmoins, le fait d’éprouver ce soulagement peut encore compliquer notre deuil. Comme les autres émotions qui surviennent, il est bon de l’accueillir.

Des deuils plus difficiles

Chaque deuil est unique. Certains deuils sont plus faciles à accepter que d’autres. Le deuil d’un parent est sûrement une étape importante pour l’individu.  Le deuil d’un enfant est très certainement le plus difficile. Je ne peux pas trop en parler à titre personnel : je n’ai expérimenté aucun des deux. La mort de personnes âgées qui ont bien vécu leur vie et qui partent en paix est évidemment plus facile à accepter que celle d’une personne jeune fauchée en plein cœur de la vie.

Le temps du deuil

De la même manière, chaque deuil étant unique, il est très difficile d’évaluer le temps d’un deuil. Au bout d’une à deux années, un mieux-être peut souvent être constaté néanmoins.

Le deuil en occident

Faire son deuil est une tâche est de plus ardue dans le contexte actuel occidental. La mort est cachée, dissimulée le plus vite possible. Même à l’hôpital, les morts sont sortis très vite des chambres. Là-bas le deuil est comme un échec : les personnels de soins et santé dont formés à guérir, encore peu à accompagner la mort. 

Personne ne voit plus les morts, sauf les employés des morgues, et certains proches de manière furtive à la mise en bière ou avant l’enterrement. Les morts ne sont plus veillés. Aussi difficile que peut être une veillée, elle permet d’être face à cette réalité. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut nécessairement veiller les morts, mais en tout cas que cette coutume pourrait aider des proches.

Il faut en plus faire notre deuil le plus rapidement possible : c’est ce qu’attendent nos proches, notre employeur…

Visite des défunts 

Nombreux sont les témoignages de personnes ayant perdu des proches qui les ont vu apparaître dans leur sommeil ou même dans leur vie en plein jour. Ils apportent très souvent des messages de paix, d’espoir ; ils nous rassurent. Peu importe les explications ou le manque d’explications rationnelles : prenons ce qu’il y a à prendre, comme des cadeaux !

Lors de séances de Sophro-analyse, il arrive que le défunt se présente également. C’est une occasion de pouvoir leur dire ce que nous avons encore sur le cœur, ce que nous n’avons pas pu leur dire. C’est aussi une occasion de recevoir leurs messages et de contribuer à nous laisser plus en paix avec cette perte.

La clé du deuil

Ce qui me semble indispensable quand nous sommes face à un deuil, c’est d’accepter l’état dans lequel nous sommes. Que ce soit une phase de déni ou de colère ou de marchandage … de vivre pleinement cette phase, de se laisser traverser par ses émotions et de ne pas les mettre au fond avec un couvercle par-dessus.  Car le risque de faire cela est juste que la cocotte-minute à émotion finisse par exploser. Alors oui, parfois nous allons pleurer beaucoup, et longtemps. Mais une fois toute la tristesse ou la colère sortie, alors nous pourrons aller vers d’autres phases… jusqu’à l’acceptation.

Je crois que c’est vraiment important encore aujourd’hui de le dire, car même si notre société a un peu moins de mal avec les émotions qu’auparavant, la première chose que nous (ou beaucoup d’entre nous) avons envie de dire à une personne qui pleure c’est « arrête de pleurer », « ça va aller ». Si nous-mêmes sommes en deuil ou si nous accompagnons des amis, des proches en deuil : laissons-nous ou laissons-les pleurer. Laissons-nous vivre nos émotions à 100 %. Laissons-nous entraîner par cette vague complètement, pour ne pas être sans cesse en train de la revivre. Refuser la douleur la fait durer.

 

Ce que j’ai expérimenté et peux vous partager, c’est à quel point un deuil peut ouvrir des portes, d’autres perspectives, à quel point il peut nous faire grandir même si ce passage peut être extrêmement douloureux.

J’espère que cela pourra donner un peu d’espoir à ceux qui en ce moment traversent un deuil… et je vous laisse avec ce poème de Paul Eluard dans la même tonalité :

La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte,
Une fenêtre éclairée,
Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, Faim à satisfaire,
Un cœur généreux,
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager.

La nuit n’est jamais complète. Paul Eluard

 

Ressources complémentaires :

Sur le chagrin et le deuil de Elisabeth Kübler-Ross et David Kessler

La mort est un nouveau soleil de Elisabeth Kübler-Ross

La mort, dernière étape de la croissance de Elisabeth Kübler-Ross

NB : Je précise que je n’ai aucun lien d’intérêt ni filiation avec les ressources proposées 😉

Si vous souhaitez lire les ouvrages en question, essayer votre bibliothèque ou bien commandez le à votre librairie de quartier, si possible.

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